Grève : comment établir une fiche de paie pour un salarié gréviste ?
- Droit de grève : définition et conditions
- Les salariés concernés par le droit de grève
- Droit de grève : la procédure à respecter
- Les cas de « grève » illicites
- Grève : quel impact sur le contrat de travail ?
- Grève : comment la gérer sur la fiche de paie ?
1- Droit de grève : définition et conditions
Une définition du droit de grève
Le droit de grève est un droit à valeur constitutionnelle depuis la décision "Liberté d'association" du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971. Ce droit n’est toutefois pas inscrit dans la Constitution elle-même mais à l'alinéa 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Au niveau Européen, il est consacré par l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne.
Le droit de grève est encadré par le Code du travail (articles L2511-1 à 2512-5).
Un arrêt de la Cour de Cassation du 2 février 2006 a donné la définition suivante du droit de grève : « Cessation collective, concertée et totale du travail en vue de présenter à l'employeur des revendications professionnelles. »
Les conditions d’exercice du droit de grève
D'après la définition de la Cour de Cassation, un arrêt de travail peut-être qualifié de grève si 3 conditions sont réunies :
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La cessation totale du travail :
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La concertation des salariés : la cessation de travail doit traduire une décision commune des salariés d’entamer un mouvement revendicatif.
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Les revendications professionnelles :
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A caractère salarial,
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Relatives aux conditions de travail,
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Relatives à l’exercice du droit syndical,
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Portant sur la défense de l’emploi.
Attention : aucune convention collective, aucun accord collectif ni aucune décision unilatérale de l’employeur ne peut limiter ou réglementer l'exercice du droit de grève.
2- Les salariés concernés par le droit de grève
Dans le secteur privé, tout salarié d'une entreprise peut exercer son droit de grève (CDD, CDI, temps partiel, apprentis etc). Toutefois pour que l’arrêt de travail puisse être qualifié de grève, au moins deux salariés doivent suivre le mouvement. Il s’agit d’un droit individuel mais qui s’exerce collectivement.
Si un salarié décide de faire grève seul dans l’entreprise, cet arrêt de travail est licite uniquement dans 2 cas :
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Le salarié répond à un mouvement de grève au niveau national,
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Il est l'unique salarié dans l'entreprise (Cour de cassation du 13 décembre 1996).
Lorsqu’un salarié participe à une grève licite, il est protégé par le « droit de grève ». Nous verrons ce que cela implique un peu plus loin.
3- Droit de grève : la procédure à respecter
En termes de durée de la grève : il n’existe aucune durée légale minimale ou maximale. En effet la grève peut être de courte durée (moins d’une journée, voire moins d’1h) ou se prolonger sur une longue période (plusieurs jours ou semaines). La grève peut notamment être courte mais répétée.
Si un délai de prévenance s’applique aux salariés des entreprises chargées d'un service public de transport de voyageurs ou dans le transport aérien, ce n’est pas le cas pour les salariés du secteur privé :
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Un mouvement de grève peut être déclenché à tout moment sans préavis ni information préalable: les salariés peuvent exercer leur droit de grève sans avoir à respecter de préavis, et ils n’ont pas à informer préalablement l’employeur de leur intention de faire grève.
- L’employeur doit être informé sur les revendications au moment du déclenchement de la grève : les salariés doivent obligatoirement faire connaître leurs revendications à l’employeur au moment du déclenchement de la grève. Celles-ci doivent concerner des revendications professionnelles pour que le mouvement puisse être qualifié de « grève ».
- La grève n‘a pas à être précédée d'une tentative de conciliation avec l'employeur : la grève peut être entamée avant que l’employeur ait refusé leurs revendications.
4- Les cas de « grève » illicites
Une grève est qualifiée d’illicite dans les cas suivants :
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La grève est exercée par un seul individu : en dehors des deux cas vus précédemment (suivi d’un mouvement national ou unique salarié dans l’entreprise), le mouvement doit être suivi par au moins deux salariés pour être qualifié de grève.
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Le seul motif est politique : des salariés ne peuvent lancer une grève pour demander la démission d’un gouvernement par exemple. La grève doit nécessairement porter sur des revendications professionnelles. Par exemple, dans le cas de la réforme des retraites, les grévistes s’opposent à des mesures gouvernementales portant sur leurs conditions de travail. La grève n’a pas un motif uniquement politique.
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La grève doit être totale et concertée, aussi les autres types de grèves sont interdits comme ceux-ci:
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Grève perlée : il s’agit d’une succession concertée d'arrêts de travail de courte durée ou d’actions ayant pour objet le ralentissement de l’activité pour perturber la production de l’entreprise.
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Grève tournante : concertée et partielle, la grève tournante concerne alternativement différents services de l’entreprise, permettant ainsi aux salariés d'alterner les jours de grève afin de maintenir les équipes incomplètes. L’activité de l’entreprise est ralentie sans pour autant engendrer de perte de salaire importante .
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Grève limitée à une obligation du contrat de travail : par exemple une grève durant les heures d'astreinte uniquement est considérée comme illicite.
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Toutes les actions successives menant au blocage de l'entreprise sans arrêt collectif et concerté du travail.
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Attention : En cas de participation à un mouvement illicite, le salarié n’est pas protégé par le droit de grève. Ce qui signifie que l’employeur peut décider d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute.
5- Grève : quel impact sur le contrat de travail ?
La grève est un cas de suspension du contrat de travail. Durant le temps de grève, le salarié ne travaille pas et il n’est pas rémunéré.
Si la grève est licite :
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Aucun salarié ne doit faire l’objet d’une sanction pour avoir participé à un mouvement de grève,
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Aucun salarié ne doit faire l'objet d'une discrimination pour avoir fait grève : réduction d’une prime, pas d’augmentation de salaire, freiner l’avancement etc.
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Aucun salarié ne peut être licencié pour avoir fait grève sauf en cas de faute lourde du salarié : par exemple en cas de participation active à des actes illégaux durant la cessation du travail.
6- Grève : comment la gérer sur la fiche de paie ?
Mention de la grève sur la fiche de paie
Les heures de grève font l’objet d’une retenue pour absence non rémunérée qui doit figurer sur une ligne à part de la fiche de paie. Toutefois, l'exercice du droit de grève ne doit pas être mentionné sur le bulletin de paie du salarié gréviste (article art. R. 3243-4 du Code du travail).
Il est ainsi préférable d’indiquer simplement « absence non rémunérée » sur la fiche de paie du salarié gréviste, sans préciser l'origine des retenues de salaire.
Calcul de la retenue sur salaire du salarié gréviste
Le principe de proportionnalité
La retenue sur la rémunération doit être proportionnelle à la durée de l'arrêt de travail. Toute retenue supérieure est interdite.
Pour respecter le principe de proportionnalité, la retenue sur salaire doit être calculée selon la méthode des heures réelles du mois. Cela consiste à faire le rapport entre la rémunération mensuelle et le nombre d’heures effectives qui auraient dû être travaillées pour le mois considéré, sans tenir compte du nombre d’heures mensualisées. Ce rapport est ensuite multiplié par le nombre d’heures d’absence.
Exemple : Un salarié mensualisé est payé 2 000 € par mois pour 35 h de travail hebdomadaires, soit 151 heures par mois. Le salarié fait grève deux jours (8 h par jour), soit un total de 16 h. Le mois comporte 151 h de travail réelles. La retenue sur salaire est donc de : (2 500 € × 16 h)/151 h = 211,92 €.
Vous ne devez prendre en compte que le temps réel de l’arrêt.
Cas des salariés au forfait jour
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Salarié gréviste en forfait annuel,
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Absence d’une durée non comptabilisable en journée ou demi-journée
Dans ce cas, la retenue sur salaire en cas d'absence pour grève doit être identique à celle pratiquée pour toute autre absence d’une même durée, ce qui impose de revenir à un calcul horaire.
Attention : Les frais professionnels générés pendant les heures de grève n’ont pas à être remboursés
L'employeur n’est tenu de verser son salaire à un salarié gréviste que si :
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Un accord de fin de grève convient du paiement des salaires,
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ou la grève résulte d’un manquement grave de l’employeur à ses obligations : non paiement des salaires par exemple.
Cas des salariés non grévistes
L’employeur doit rémunérer les non-grévistes, sauf en cas d’impossibilité de leur donner du travail.
C’est à l’employeur de prouver cette impossibilité et il doit s’agir d’une situation véritablement contraignante empêchant complètement ’employeur de faire travailler les non-grévistes.
Autres impacts de la grève en paie
Grève et jours fériés
Si durant la période de grève, des jours fériés chômés payés sont inclus, les salariés grévistes ne peuvent pas prétendre au paiement de leur salaire au titre de ces jours fériés chômés.
Grève et primes
Un salarié en grève ne peut faire l’objet d’aucune discrimination.
Ainsi l'employeur peut tenir compte des absences liée à la grève pour le paiement d’une prime, uniquement si toutes les absences ont les mêmes conséquences sur son attribution.
Aussi, il est possible de réduire ou de supprimer une prime consécutive à une grève si une autre absence entraine aussi une réduction ou suppression de la prime. En revanche, réduire la prime d’un salarié gréviste est discriminatoire si toutes les absences ne donnent pas lieu à la même retenue.
Grève et maladie
Deux cas possibles :
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Arrêt maladie PENDANT la grève : Si un salarié tombe malade durant une période de grève, le salarié n’a pas droit à l’indemnisation complémentaire pour maladie ni à un complément de salaire pendant la grève. Il ne peut y prétendre qu'à l’issue de la période de grève. En effet, la cause initiale de l’arrêt de travail est la grève et non la maladie.
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Arrêt maladie AVANT la grève : en revanche si un salarié est en arrêt maladie et décide de faire la grève, il a le a droit à l’indemnisation habituelle de la maladie et peut percevoir les indemnités complémentaires de maladie.
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